Nous n’oublierons pas Paul Morel.
C’est un personnage chaleureux, d’une grande gentillesse, d’une extrême discrétion et combattant de la Mémoire qui nous a quittés ce 6 janvier 2021. Il avait dit à Patricia Susset, membre de l’ANACR : « j’irai jusqu’à mes 100 ans » : pari tenu. Il avait beaucoup d’humour : Paul était né le 25 août 1919 à 18h30, l’heure de l’apéro et comme il l’avait écrit dans « Les pages de la Résistance » (n° 8 de décembre 2007), il était « un pur produit de l’Armistice du 11 novembre 1918 ».
Comme beaucoup de familles françaises, la sienne avait été très éprouvée lors de la « Grande guerre ». Ses convictions patriotiques l’amenèrent à s’engager au début de 1940 pour « faire son devoir ».
Paul Morel écrit « dès les premiers jours (après sa démobilisation), j’ai du mal à supporter cette chape de plomb, l’occupation nazie qui nous écrase ; je veux REAGIR, on ne disait pas encore résister ».

Les parents de Paul tenaient un café-épicerie dans le hameau de Giencourt, commune de Breuil-Le-Vert : ils étaient Résistants, d’ailleurs une des dernières sorties de Paul fut lors de l’inauguration d’une rue au nom d’Alice Florençon épouse Morel, sa mère. Celle-ci, engagée dans la Résistance, cachait des aviateurs alliés tombés dans le secteur. Une des tantes de Paul, Madame Florençon, sa cousine Renée (agent de liaison) résistaient également.
Je ne vais pas paraphraser son témoignage paru dans la plaquette citée plus haut. Je vais simplement, en utilisant quelques passages de ses écrits, reprendre l’attestation que Georges Jauneau a établie pour Paul lorsque celui-ci a demandé une Carte de Combattant Volontaire de la Résistance bien méritée et obtenue.
George Jauneau : «Fin de l’année 1941, Monsieur Morel est l’artisan d’une audacieuse récupération d’armes sur un soldat allemand, puis d’un transport d’armes effectué par lui et un de ses camarades, Monsieur Couanon et dont le bénéficiaire fut Monsieur Oudin, responsable du Mouvement Front National- FTPF pour le secteur de Clermont. Paul Morel est incorporé dans le groupe Oudin. Il se voit confier des missions de liaisons, de renseignements et de distributions de matériel de propagande anti-allemand. En 1942-1943 il procède au sabotage du transformateur haute-tension de l’entreprise Leclerc et Bessières de Clermont (où il travaille), réquisitionnée par les allemands et dont la production de baraques en bois est complètement interrompue pour plusieurs jours…
Requis pour le STO pour l’organisation TODT à Soissons, il s’évade et rentre reprendre ses activités. Il confectionne un très grand nombre de faux certificats de travail et de fausses cartes de travailleurs de force destinés aux réfractaires du secteur et remis à Monsieur Oudin.
Vers la fin de l’année 1943, deux parachutistes américains lui sont confiés par Mme Florençon de Rémerangles (sa tante). Il les héberge jusqu’à leur récupération par le réseau chargé de leur rapatriement.
Cependant, le chef du secteur, Monsieur Oudin ayant été arrêté par la Gestapo et le groupe momentanément dispersé, Monsieur Morel poursuit ses opérations de sabotages dans l’entreprise Leclerc et Bessières »…
Paul Morel selon ses souvenirs, est remis en contact avec la Résistance par l’intermédiaire d’un certain Meuric. Il intègre en fait (il le saura plus tard) l’OCM (chef G. Fleury) et fut répertorié au groupe Fémur dont le chef était Jean Farnault.
Dans le même temps, avec le concours de Mme Florençon, il récupère et héberge plusieurs parachutistes alliés. Là intervient un épisode qu’il m’a raconté et dont il s’est souvenu toute sa vie. Alors qu’il « ramenait » 2 aviateurs, un américain et un australien chez ses parents pour les cacher, le groupe voit au bout de la rue un barrage d’uniformes armés jusqu’aux dents. Impossible de faire demi- tour, le trio passe tranquillement entre 2 sentinelles qui les ignorent totalement. Les allemands devaient arrêter une voiture donc 3 cyclistes ne les intéressaient pas… Paul arrive trempé de la tête aux pieds, vidé de toute énergie…
Il eut la joie de revoir certains aviateurs et fut médaillé pour sa bravoure.
Paul participe à la libération de Clermont. Puis 2 jours plus tard il gagne Paris et se rengage dans l’armée de l’air et cela se termine le 8 mai 1945, sur la base de Saint-Dizier.
Voici pour son parcours de Résistant. Un beau palmarès.
Ce garçon courageux et tenace reprit des cours du soir et fit une belle carrière d’ingénieur. Il avait épousé Gisèle Le Meur en 1941 et eut trois enfants.
Ses mandats de conseiller municipal et maire d’Airion durèrent plus de 40 ans. Ça c’est de l’implication au service d’une population !

J’ai, pour ma part, connu Paul il y a plus de 25 ans par le biais du Concours National de la Résistance et de la Déportation. Il a pendant de très nombreuses années honoré et défendu ses camarades dans des associations comme l’ANACR et l’Association Oise pour le Concours de la Résistance et de la Déportation. Toujours présent dans ces deux structures jusqu’à ce que ses forces déclinantes l’en empêchent. Inlassable conteur de ses combats et de ceux de ses camarades, témoignant auprès des élèves de collèges et lycées préparant le concours, participant à la correction de leurs travaux. Que de bons moments passés ensemble. Quel exemple !
Non, nous ne t’oublierons pas Paul.
Véronique Decayeux.
Le 15 janvier 2021